Le Grand Fatras

Patrice Loubier
Commissaire de la Manif d'art 3

Le grand fatras s’inscrit dans un corpus photographique amorcé par Gwenaël Bélanger en 2002, et dont il renouvelle la règle du jeu: alors que dans les œuvres des séries précédentes, c’était chaque fois des objets singuliers qui chutaient l’un après l’autre, ce panoramique présente la chute simultanée d’une grand nombre d’objets – une véritable pluie, dont le caractère hétéroclite est souligné par le titre, qui peut rappeler les fatrasie médiévale.

La pléthore de choses qui peuplent notre environnement quotidien, l’artiste l’exploite et la révèle en quelque sorte par l’absurde. Le procédé amplifie par l’invraisemblance de la situation un certain plaisir du dérèglement qui était déjà inhérent au travail de Bélanger.

C’est que le sens de ces photographies est indissociable du geste nécessaire pour les réaliser : tous ces objets captés avant de s’écraser au sol connotent la décision de l’artiste de les faire tomber afin de créer l’image, communiquant quelque chose de la jubilation de l’enfant qui se dépense en jetant des choses au sol.

L’œuvre de Bélanger marque ainsi un renversement de la valeur utilitaire qui régit notre rapport aux choses : c’est en les jetant au risque de les briser que l’artiste, ici, crée du sens.